Assiégés
Chapitre 2 : Prophétie dévoilée
Il vous revient de contrôler cet empire des songes, c’est à toi tout ça. Des grandes plaines de feu aux abysses forestières… Alors non, ne te défile pas, cours, mais ne fuis pas à l’heure où nous sommes assiégés ! Tu es celui qui fut dérobé aux dieux pour enfanter la paix aux hommes, mais cours ne fuis pas cache, enjambe, et renais… ouvre les yeux viens à nous pauvre délivre nous toi Assiégés
« Donc c’est ce que tu as entendu dans ton rêve ? »
– Oui…Pensez vous que ce soit une prophétie, maître invocateur ? »
– Eh bien… Est ce la première fois que ce genre de… de songes évocateurs, disons, t’arrivent ? »
– Depuis que enfin… Je ne sais pas si vous allez me croire, mais c’est arrivé la nuit précédant l’arrivé de ce… ce vagabond. »
– Cet imposteur. »
– Oui, bien entendu. Mais, maître invocateur, vous ne pouvez pas nier que, depuis quelques semaines, sa parole se répand en ville” Le sage me regarde d’un air courroucé : “En effet, mais la parole qui plaît au peuple est souvent la plus dévoyée et corrompue. Cet homme, qui dit être un survivant de la forêt d’Échos est tout au plus un sectaire. »
– Et… Si je peux permettre à ma faible clairvoyance de soulever cette question, ne trouvez-vous pas que de nombreuses et étranges coïncidences se produisent en ville depuis son arrivé ? »
– Balivernes ! »
– Et mes rêves ? Si j’étais en quelque sorte connecté à mes aïeux, leurs enseignements m’ont été transmis à travers leurs manuscrits. »
– Je vois dans vos rêves un avertissement. Une menace plane sur vous, mais elle ne peut pas venir de cet insignifiant insecte. Si j’étais vous, j’irais parler au grand échevin pour le soustraire à l’influence de ce pêcheur. »
– Mais ne l’a-t-il pas fait arrêter ? »
– Non… Il l’a fait emmener dans son palais et l’imposteur y loge, parasitant la conscience de notre guide… »
– Maître invocateur ! »
– Quoi ? »
– Pourriez-vous me parler plus clairement ? Je dois retourner à ma librairie, et j’ai peine à comprendre ce que vous me chantez ! »
– Pour abréger, cet imposteur a bien trop d’ascendant sur notre prince. Si vous voulez que je vous éclaire sur ces rêves prophétique que vous faites, aller lui parler ! Vous êtes bien un de ses conseillers après tout ! »
– Bien, maître, que les invocations vous soient favorable aujourd’hui” Dans une langue qui m’est étrangère il teinte la pièce d’un rouge éclatant, signe évident qu’il a repris sa méditation. Il ne me voit plus, je peux partir. »
Le temple du grand maître des invocateurs est situé non loin du palais du grand échevin et, comme l’a souligné ce devin fort sage, j’ai été élu conseiller du grand échevin par l’assemblée bourgeoise l’an passé. Mais, tout absorbé par ma tâche gigantesque, je n’ai encore eu guère l’occasion de siéger à mon poste.
Les rues sont plus calmes et apaisées. Depuis plusieurs semaines, les prêches endiablés du prophète-vagabond réunissent la plupart de la population dans le quartier des forges et des halles. Sous son impulsion, il a fait fermer les bordels et oblige les tavernes à ne plus vendre de bière durant la journée. Ses fidèles, tout habillés de noir, se nomment eux-mêmes les Clairvoyants. Ils ne cessent de clamer que des forces maléfiques vont assiéger notre cité, toutes droit sorties de la forêt.
L’ambiance se tend, je le sens intuitivement. La légèreté de notre bourg commerçant s’en est envolée, pour faire place à une peur sournoise et anxieuse. Cela fait une semaine que personne n’a vu le grand échevin, et le guet semble être devenu insignifiant face aux milices du Vagabond. Dans l’artère lugubre je croise une patrouille de Clairvoyants. Baisse la tête, mets ton capuchon. Mieux vaut être discret.
Depuis quelques temps des conseillers du grand échevin disparaissent… Tout cela est arrivé si vite, sans que l’on puisse sans rendre compte, comme une ondée abrupte surprenant le promeneur insouciant. Le temps des troubles semble bien venu, et j’hésite encore. Ce Vagabond est-il un prophète destiné à nous sauver ou un tyran austère ?
Mes questions trouveront peut-être une réponse dans le palais du grand échevin qui se dresse devant moi, recroquevillé sous le fin crachin hivernal. Ses gargouilles ont l’allure de chiens mouillés et les embruns montant de la mer me fouettent.
On me laisse entrer, les gardes me reconnaissent et je pénètre le dédale du palais. Les légendes racontent que Steve, un constructeur mythique l’édifia il y a bien longtemps avant d’en repartir. Depuis, les siècles ont passé et sa dentelle de pierre s’est érodée, les monstres marins devenant plus imprécis et inoffensifs à la mesure de la ville. Depuis de nombreuses décennies aucune armée ne vient battre les murs de la citadelle si ce n’est les tempêtes enragées. La paix a amolli notre grande ville tout en l’engraissant.
Je me perds, mes pensées m’ont fait errer, hagard, dans les coursives du vaisseau de pierre. Je gagne la salle du conseil par un petit escalier dérobé. Avant d’entrer je passe ma main dans mes cheveux, remets mon pourpoint et me compose une figure grave et réfléchie, comme il en conviendrait a un vieux libraire sage et éclairé. Dans la salle, qui est comble, seul mon siège est inoccupé. Le grand échevin : « Ah vous voici Robb ! C’est rare de vous voir faire l’escalade jusque ici !
« En effet, grand échevin…” Quelque chose d’étrange attire mon attention. Ciel ! : “Mais n’y a t-il pas un noble conseiller de trop à cette assemblée ? »
– Non, le grand Vagabond a été promu conseiller dans la soirée, par mes soins.” Les autres membres ne semblent pas réagir, et je peine à réfréner ma stupeur :
– Sans aucune consultation de l’assemblée bourgeoise ? »
– Vous savez en quelle horreur il tiennent ce saint dévot qu’est le grand Vagabond, j’ai préféré devancer de houleux et futiles débats alors que le temps nous manque avant l’invasion des forces du mal. »
– Euh… Je ne saisis pas… »
– Vous n’êtes pas au courant ? Dans ses feux sacrés le grand Vagabond a… »
– Oui, j’ai pu apercevoir par mes visions saintes qu’une armée de jais s’apprêtait à fondre sur le monde de Minecraft, depuis la forêt d’Échos !” L’homme était bien le même mais cette fois ci coiffé, élégant, avec une assurance redoublée. Je pris un temps pour me ressaisir, pour prendre conscience de la réalité cruelle de ce coup d’état masqué, puis d’une voix monocorde : “Quel est votre nom messire ? »
– Appelez moi Grand Vagabond, mais, dans ce cercle… disons restreint, je suis Lord Auguste. »
– Bien… Puis je m’asseoir messire ?” demandais-je au grand échevin. Le prophète enleva cette primauté à notre maire en acquiesçant. Le maître de cérémonie, Jean de La tour du pin, un bien noble chevalier soit dit en passant, commença cet inhabituel conseil par cette requête sidérante : “Suite à de nombreuses demandes populaires nous allons examiner la proposition de reconstruire la muraille de notre ville. »
– Comment ça ? »
– Je n’étais pas au courant d’une telle initiative !” Le grand échevin : “Eh bien mes chers conseillers cette idée émane de notre très saint prophète qu’est Lord Auguste, mais je le laisse s’exprimer à ce sujet. Lord, la parole est à vous. »
– Merci, sire. Comme vous avez surement dû le voir, les Clairvoyants sillonnent la ville mais cela ne suffira qu’à la protéger de la petite racaille et certainement pas des armées maléfiques de la forêt ou des pécheurs. Il est urgent de nous fortifier avant que nous soyons assiégés ! Je propose d’enlever les crédits alloués aux hospices pour recentrer tout l’effort de la ville sur sa survie ultime.” Bruissements inquiétés, mais sourd. L’huissier : “Des objections ?” Rien. “Bien, procédons au… »
– Attendez !” Enfin ma parole se délie. Je dois parler, et une diatribe trop attendue sort enfin de mon corps pétrifié : “Attendez. J’ai une objection. »
– Bien Robb, allez y. »
– Je ne pense pas comprendre la situation, grand échevin. Nous vous avons élu, nous, l’assemblée bourgeoise en plus des artisans, non pas pour mener notre ville à la guerre contre le grand manoir, dont nous ne savons même pas s’il existe, mais pour faire prospérer notre commerce et remplir les caisses d’émeraudes. Cet homme qui, il y a encore quelques semaines était un parfait inconnu est en train d’établir son potentat sur cette cité ! Depuis quand avons-nous besoin d’une milice pour veiller a la moralité ? Le guet y suffit déjà ! Nous abdiquons ici notre liberté au profit de ce gourou ! Il me semble bien au courant des manigances des marais et de la forêt, ne serait-il pas un invocateur dévoyé, un déserteur ? N’est-il pas un allié des sorcières, un démon venant du Nether qui aurait pris une forme humaine ? Êtes vous totalement aveuglé ?! J’ai l’impression de vivre dans un conte : il n’y a rien dans cette forêt, a part quelques loups enragés. Rien je vous dis, à part quelques animaux sauvages. Je refuse catégoriquement de voter pour un délire pareil !” Lord Auguste : « Vous avez fini ? »
– Euh… Oui.”Il me dévisage de ses grand yeux outremer, sans sourciller, avec un petit sourire narquois à peine contenu. Puis, d’une voix douce et mordorée, il susurre : « Comme vous le voyez vos déclarations nous laissent tous de marbre. Mais dans ma grande générosité, je vais essayer de vous expliquer. Tout va s’effondrer et le monde que vous avez connu est en train de disparaître, remplacé par une ère maléfique et dangereuse. Nous n’allons pas tarder à être assiégés. Vous le savez, vous le pressentez dans vos rêves, je me trompe ?” Sourire. Ma respiration se coupe et je décille. De l’air, il me faut de l’air, je dois retrouver mon souffle. Je ne me vois même pas me lever et gagner un balcon, face à la mer. Je ne me vois même pas pâlir et trembler : il sait, il sait, il connaît mes rêves, il peut… Ce n’est pas un imposteur, ou, si mais… »
L’océan, en contrebas roule ses vagues comme des lèvres jusqu’à la ville. Dans le vent froid le soleil s’éteint derrière une barre de nuages menaçante, laissant percevoir la tempête cinglant au large. Dans quelques heures, l’ouragan sera sur nous.
ça serait sympa une série dessu non?
Super !
C’est dommage le nombre de vue ……
Encore un artiste incompris …